Pourquoi une récession pourrait frapper le secteur vinicole différemment

L’industrie vinicole a déjà connu cette situation. Une récession se profile à l’horizon.Mais cette fois-ci, les choses pourraient être un peu différentes. Je ne me souviens pas d’une époque où les entreprises vinicoles aient été soumises à autant de pressions de tous les côtés en même temps.
Les changements démographiques, les goûts générationnels et un marché de plus en plus concurrentiel pourraient rendre cette récession différente de toutes celles dont j’ai été témoin en plus de 25 ans de carrière dans le secteur du financement du vin. Voici pourquoi :
IL POURRAIT NE PAS Y AVOIR DE REBOND RAPIDE CETTE FOIS-CI
En période de récession, ou face à la perspective d’une telle situation, les gens ne boivent pas nécessairement moins, mais ils dépensent moins.
Ceux qui généralement n’hésitent pas à dépenser 85 $ pour un Cabernet de Napa bien charpenté pourraient écumer les rayonnages pour trouver un vin autour de 25 $.Habituellement, lorsqu’une récession se résorbe, le rebond est rapide. Les clients sont impatients de retrouver leurs marques de luxe préférées. Mais ce n’est pas une période habituelle, et les entreprises vinicoles risquent de devoir attendre ce rebond plus longtemps que d’habitude.
La situation économique demeure instable. Mon collègue Scott Anderson, économiste, s’attend à un net ralentissement et à une hausse du chômage. Légère ou pas, lorsque les consommateurs de vin verront leurs économies diminuer et les créations d’emplois ralentir, ils le ressentiront.Qu’est-ce que cela signifie pour le secteur vinicole? Alors que nous nous préparons à une récession superficielle et prolongée ou à un net ralentissement et à une série de défis sur le marché, nous devrions être conscients qu’il n’y a aucune garantie que le secteur se redresse comme d’habitude – ni même qu’il y ait un retour à « la normale » possible.
LES DÉFIS SONT COMPLEXES ET MULTIDIMENSIONNELS
Les entreprises vinicoles sont plutôt habituées aux défis, mais peut-être pas à en avoir autant en même temps. Même en 2019, la consommation a diminué pour la première fois en 25 ans.
Pendant le confinement, les gens ont fait des réserves de nourriture de façon compulsive, ce qui a entraîné un léger rebond d’activité qui s’est avéré éphémère, et l’écoulement des casiers regorgeant de bouteilles de vin pourrait même avoir contribué à la baisse récente. Les données les plus récentes de Gomberg montrent que le total des expéditions de vin vers le marché américain a diminué de 9 % (celles en provenance de la Californie ont diminué de 8 %) entre 2021 et 2022.
Les goulots d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement, même s’ils s’atténuent, ont toujours une incidence, car la pénurie de verre et la hausse des coûts d’expédition resserrent davantage la pression sur les marges bénéficiaires. Comme le nombre de distributeurs de vin n’a jamais été aussi faible (il y en a environ un pour 13 établissements vinicoles à l’échelle nationale et un pour 36 établissements vinicoles en Californie, selon Wines Vines Analytics), il est plus difficile que jamais de mettre des bouteilles sur le marché. Et ce marché rétrécit à mesure que les détaillants ferment ou se regroupent, comme en témoigne la fusion en cours entre Kroger et Albertson.
Les établissements vinicoles plus petits et moins bien établis, dont les circuits de vente sont plus limités, font face à des défis plus importants et dépendent de la vente directe au consommateur et des courtiers.
Pendant ce temps, le marché des vins importés continue de croître, en raison de la baisse des prix et peut-être aussi d’une petite soif de voyage après la pandémie.
Des éclaircies pointent à travers les nuages : selon l’emplacement géographique, la qualité en 2022 a été assez bonne, mais sur la côte nord, les pics de chaleur ont réduit le rendement. Dans le cas des établissements vinicoles de petite et de moyenne taille, en particulier, les grands crus ne peuvent que renforcer la fidélisation de la clientèle.
Les établissements vinicoles individuels vont également à l’encontre des tendances. Bread & Butter Wines, propriété de notre client Winery Exchange, a connu une hausse de près de 20 % des ventes de bouteilles à moins de 15 $, une catégorie qui a chuté de plus de 2 % dans l’ensemble. Cela donne à penser que les clients répondent présent pour les entreprises vinicoles qui peuvent satisfaire leurs goûts et les atteindre grâce à une stratégie de marque intelligente.
NOUS VIVONS UN CHANGEMENT DÉMOGRAPHIQUE
Les données suggèrent que les milléniaux sont en grande partie responsables de la baisse globale de la consommation. En 2015, les personnes âgées de 21 à 34 ans représentaient 33 % de la population totale des consommateurs de vin, contre
seulement 28 % en 2019.
Ainsi, alors même que nous sommes confrontés à une série de défis cycliques sans précédent, un changement démographique important se produit en arrière-plan – et son incidence devrait même durer plus longtemps que la récession la plus longue.
Au niveau des manchettes, les goûts en matière de vin semblent assez constants. Le Cabernet Sauvignon et le Chardonnay ont généré les ventes nettes les plus élevées en 2019, même si de nouvelles tendances avaient déjà une incidence : le Zinfandel blanc était quatrième sur la liste.
Certains milléniaux délaissent complètement le vin au profit des cocktails artisanaux, des eaux minérales gazeuses et du cidre – des boissons qui entrent habituellement dans la catégorie de prix inférieur ou égal à 15 dollars, ce qui facilite le changement. Bien qu’il y ait des signes de ralentissement, le marché du vin en canette continue de croître. Selon Grandview Research, le marché du vin en canette devrait passer de 211,4 millions de dollars en 2020 à 571,8 millions de dollars d’ici 2028. Il n’est pas surprenant que les milléniaux qui boivent du vin soient à l’avant-garde de cette évolution également, puisque 40 % d’entre eux ont déjà acheté du « vin en canette ».

Adam Beak
Directeur général et chef, Vins et spiritueux