La COVID a-t-elle sauvé le commerce de détail?
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Commerce de détail : comment renouer avec les bénéfices dans un monde post-pandémie?
À la suite de la pandémie de COVID-19, les détaillants doivent choisir quels magasins ouvrir, et non lesquels fermer; ils disposent ainsi d’une occasion unique d’en finir avec la mentalité de la croissance à tout prix et de réfléchir à l’opportunité de réduire leur taille pour mieux croître. Faut-il devenir plus petit pour ressortir plus fort? Dans son dernier rapport de recherche, La COVID a-t-elle sauvé le commerce de détail? Comment renouer avec les bénéfices dans un monde post-pandémie?, Simeon Siegel, analyste spécialiste du commerce de détail et des services chez BMO Marchés des capitaux, répond à cette question et à d’autres sur le secteur américain du commerce de détail; il constate que la COVID est pour certaines des plus grandes marques du secteur l’occasion de changer la donne et de réorganiser leurs activités pour assurer leur future croissance.
Nous vous présentons ci-dessous le résumé d’une conversation que nous avons eue à ce sujet avec Simeon Siegel.
Q : En quelques mots, quelles sont les principales conclusions de ce rapport, et sont-elles différentes pour les investisseurs et pour les entreprises?
R : Ce qui est fascinant dans la vie en général, c’est que, que l’on soit un particulier, une entreprise ou une équipe de direction, nous sommes entraînés à mettre l’accent sur la croissance pour la croissance, ce qui nous amène, malheureusement, à prendre les décisions que nous pensons devoir prendre, et non parce que nous le voulons.
Le commerce de détail ne fait pas exception. Pendant des décennies, le secteur du commerce de détail n’a fait que lutter pour augmenter ses ventes, au point que cette augmentation des ventes est devenue nuisible.
Dans ce rapport, nous constatons que la COVID a obligé le monde entier à se mettre sur pause, ou à remettre les compteurs à zéro. Cette remise des compteurs à zéro est pour les entreprises l’occasion de porter un regard très critique sur leur fonctionnement interne afin de se réorganiser en prévision de l’avenir, et de réfléchir aux décisions qu’elles devraient prendre, par opposition à celles qu’elles sont obligées de prendre.
Ce que cela signifie pour le commerce de détail, c’est que, pour la première fois dans l’histoire récente, les détaillants peuvent décider quels magasins ouvrir plutôt que de choisir lesquels fermer.
Notre analyse a donc essentiellement consisté à identifier la trajectoire à suivre pour gagner en solidité et en santé en réduisant sa taille. Les deux options consistent essentiellement 1) à fermer des magasins pour réduire ses coûts ou 2) à réduire les promotions pour rehausser la marque. Notre analyse démontre que les deux options constituent une opportunité, mais que la deuxième est beaucoup plus saine.
Q : Vous dites que, pour certaines grandes marques, c’est une occasion unique de « réduire leur taille pour mieux croître ». Qu’est-ce que la situation actuelle a de si unique et, concrètement, dans le contexte de la COVID, comment les choses vont-elles selon vous se dérouler?
R : La conclusion principale de ce rapport, c’est qu’en réduisant son chiffre d’affaires, on peut augmenter ses bénéfices. Dans le passé, la stratégie consistant à réduire sa taille pour mieux croître n’a pas fonctionné, ou elle avait une connotation négative. La raison en est que vous deviez d’abord réduire votre taille avant de pouvoir croître.
Ce que la situation actuelle a de si particulier, c’est que, le plus dur, dans cette stratégie, c’est la partie réduction de la taille; or, la COVID a déjà provoqué une diminution de taille des entreprises. La question est maintenant de savoir qui choisira de croître et de croître d’une manière qui soit saine. Dans ce rapport, nous nous intéressons spécifiquement aux entreprises qui ne font pas d’argent... Celles qui ont été le plus durement touchées, celles qui s’étaient développées au-delà de niveaux raisonnables et qui ont vu leurs bénéfices retomber. Si vous vendez des milliards de dollars de vêtements, mais que ça ne vous rapporte rien, il y a un problème. Vendez moins, demandez plus cher, vos bénéfices vont augmenter.
Pour ces entreprises, dont la taille a déjà diminué, la question est la suivante : allez-vous revenir à la situation de 2019 et repartir dans la même course folle ou allez-vous prendre conscience du fait que cette crise est l’occasion de relancer la croissance?
Q : Pensez-vous que le commerce de détail américain soit capable de tourner le dos à des décennies de « Plus c’est gros, mieux c’est? »
R : Je pense que le plus difficile avec cette stratégie, c’est que les entreprises sont gérées par des humains et que les humains ne sont pas programmés pour savoir quand s’arrêter. Le fait est que, même avant la COVID, le monde était déjà allé trop loin. Le secteur américain du commerce de détail était déjà globalement engagé dans un mouvement de réduction : des magasins avaient commencé à fermer, des entreprises déclaraient faillite. Ce n’est pas nouveau. C’est un phénomène qui a commencé il y a quelques années à la suite d’erreurs et de mésaventures.
La question est maintenant de savoir, si, compte tenu de la COVID, il est préférable d’arracher le pansement une fois pour toutes et de recommencer à zéro ou de continuer à essayer de réappliquer des pansements et de ne jamais vraiment guérir?
Q : Donc, faut-il réduire le nombre de magasins, mais faire de la promotion ou faire l’un ou l’autre?
R : Compte tenu du développement excessif du secteur du commerce de détail en Amérique, la décision la plus facile, et souvent la première à prendre, consiste à fermer des magasins. Ce que nous avons constaté, c’est que certaines entreprises auraient intérêt à procéder de la sorte. Nous avons vraiment creusé ce que cela signifierait de fermer des magasins et quelles en seraient les implications financières et nous avons constaté que les fermetures de magasins pourraient en fait être rentables ou faire perdre de l’argent aux entreprises. Ce qu’il y a de fascinant dans tout ça, c’est qu’il existe une poignée d’entreprises pour lesquelles la fermeture de magasins serait clairement rentable, mais que, dans l’ensemble, la plupart des entreprises perdraient de l’argent si elles fermaient un magasin. C’est une bonne chose, parce que cela signifie que les magasins valent vraiment quelque chose. Bien sûr, il existe des cas isolés de magasins peu productifs ou même non rentables dont la fermeture est justifiée, mais la réalité, c’est que, malgré le nombre excessif de magasins, la plupart continuent à faire de l’argent.
Nous pensons donc qu’il appartiendra à chaque entreprise de définir sa stratégie et, dans notre rapport, nous exposons la situation d’ensemble et creusons pour savoir quelles entreprises profiteraient le plus et ce qu’elles doivent faire. Nous avons constaté que, même si la décision la plus facile (et normalement la première et celle qui fait le plus de bruit) consiste à fermer des magasins, pour que la stratégie soit réellement payante, elle doit s’accompagner d’une attention particulière à la gestion des stocks et d’une hausse de prix.
Q : Mais les magasins peuvent-ils de façon réaliste augmenter les prix et espérer conserver leur clientèle?
R : Augmenter les prix est difficile. Lorsque vous fermez un magasin, vos dépenses diminuent immédiatement et il est très facile de voir les résultats. Si les calculs sont bons, c’est immédiat. La seule garantie avec une augmentation de prix, c’est que vous allez faire fuir des clients. Vous allez perdre des revenus. La mise en œuvre d’une telle stratégie nécessite donc une volonté très forte et une capacité à regarder de l’avant et à faire face à une forte baisse de revenus. Oui, votre volume de ventes diminue parce que vous vendez moins si vous demandez des prix plus élevés, mais cela signifie que chaque dollar auquel vous renoncez fait que chaque dollar que vous continuez à vendre est beaucoup plus sain, ce qui constitue selon nous le réel avantage.
Q : Quelle est l’importance de cette opportunité pour certaines des entreprises que vous avez analysées? Est-ce une stratégie de survie autant que de croissance?
R : Je pense que celles qui se contenteront d’essayer de renouer avec la même course folle retomberont dans un cercle vicieux. La folie, dans le contexte de la COVID, serait de penser que les choses vont s’améliorer sans changer quoi que ce soit. La réalité, c’est que les entreprises qui comprendront qu’elles ont l’occasion de changer les choses pourront prendre une orientation différente.
Quant à savoir ce que cette opportunité a d’important, ce que notre rapport démontre, c’est que les chiffres sont si mauvais actuellement que certaines marques parviendront à doubler leurs bénéfices en vendant moins.
Les meilleurs rapports de recherche sont ceux qui m’apprennent quelque chose de nouveau. Ce qui revenait sans cesse dans l’élaboration de ce rapport, c’est que certaines marques pouvaient gagner en faisant des changements sur les deux fronts.
Q : Dans votre rapport, vous avez appliqué une grille d’analyse aux entreprises que vous couvrez, mais cette méthode pourrait-elle être appliquée plus largement?
R : Nous avons élaboré une feuille de route permettant de voir comment une réduction du nombre de magasins pourrait permettre aux plus grandes marques et entreprises de croître dans le contexte de la COVID. Parmi les entreprises que nous suivons, il y a en a qui génèrent des chiffres d’affaires très importants et qui ne font pas d’argent.
Une fois que vous avez décidé quelle entreprise vous voulez analyser, le modèle que nous avons créé vous permet d’entrer le nom de la société et de saisir quelques variables et de décider ce que vous voulez augmenter (unités, prix, prix unitaire moyen). Cela vous indiquera ensuite l’effet correspondant. Nous avons appliqué la grille aux sociétés que nous suivons; nous l’avons toutefois créée de façon à ce qu’il soit possible d’y ajouter d’autres entreprises assez facilement. L’objectif est donc de pouvoir l’utiliser plus généralement.
Q : Pensez-vous que les investisseurs accepteront que des sociétés cotées utilisent ce genre de stratégie de réduction de la taille pour mieux croître?
R : Nous avons observé un regain d’intérêt marqué des investisseurs pour les histoires de redressement dans les centres commerciaux.
La réalité, c’est qu’il est difficile d’expliquer aux investisseurs que vous allez réduire la taille de votre entreprise. Ce n’est pas quelque chose que les investisseurs aiment entendre. Toutefois, de la même manière que les équipes de direction n’ont pas eu à décider de réduire leurs activités à la suite de la COVID, les investisseurs n’ont pas à les entendre le dire puisque c’est déjà fait. Il est donc beaucoup plus facile pour les investisseurs d’augmenter leurs attentes après avoir dû les diminuer radicalement, et c’est là que nous en sommes.
La situation est de plus en plus confortable pour les investisseurs puisqu’ils constatent des possibilités de redressement d’entreprises qu’ils jugeaient auparavant désespérantes.
Q : Instant boule de cristal : à quoi pourrait ressembler ce secteur dans un an? Dans trois ans? Ces grandes marques auront-elles réduit le nombre de leurs magasins pour assurer leur croissance?
R : Ce que nous expliquons dans le rapport, c’est qu’il s’agit d’une occasion tout à fait unique. La question est de savoir qui choisira d’en profiter. Parce que la COVID a imposé la partie difficile de la stratégie, celle consistant à réduire le nombre de magasins, aux entreprises, les résultats pourraient se faire sentir beaucoup plus tôt que nous nous y serions autrement attendus.
Si le monde renoue avec une certaine normalité et que ces entreprises décident de ne pas rouvrir 20 % de leurs magasins (plutôt que de les fermer) et en même temps d’augmenter leurs prix de 10 % à 20 %, nous allons voir les résultats immédiatement, puisque 2020 deviendra la base. La plus grosse crainte et la plus grosse inconnue consisteront à savoir si les équipes de direction seront à l’aise et si les investisseurs sauront faire preuve de tolérance au fil des trimestres, lorsqu’ils constateront que les résultats restent inférieurs à ceux de l’exercice 2019. Les gens se souviendront-ils qu’ils voulaient que l’entreprise réduise le nombre de ses magasins pour assurer sa croissance ou diront-ils « allez, relancez la machine »?
C’est ça, selon moi, qui constitue le plus gros risque. La crainte n’est pas tant de savoir si « on peut rétablir la situation rapidement ». Je pense que la question est de savoir si les gens se souviendront qu’une taille plus petite peut être plus avantageuse.
La COVID a-t-elle sauvé le commerce de détail?
Analyste, commerce de détail et services
Simeon Siegel est directeur général et analyste principal à BMO Marchés des capitaux. Il se spécialise en commerce électro…
Simeon Siegel est directeur général et analyste principal à BMO Marchés des capitaux. Il se spécialise en commerce électro…
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Commerce de détail : comment renouer avec les bénéfices dans un monde post-pandémie?
À la suite de la pandémie de COVID-19, les détaillants doivent choisir quels magasins ouvrir, et non lesquels fermer; ils disposent ainsi d’une occasion unique d’en finir avec la mentalité de la croissance à tout prix et de réfléchir à l’opportunité de réduire leur taille pour mieux croître. Faut-il devenir plus petit pour ressortir plus fort? Dans son dernier rapport de recherche, La COVID a-t-elle sauvé le commerce de détail? Comment renouer avec les bénéfices dans un monde post-pandémie?, Simeon Siegel, analyste spécialiste du commerce de détail et des services chez BMO Marchés des capitaux, répond à cette question et à d’autres sur le secteur américain du commerce de détail; il constate que la COVID est pour certaines des plus grandes marques du secteur l’occasion de changer la donne et de réorganiser leurs activités pour assurer leur future croissance.
Nous vous présentons ci-dessous le résumé d’une conversation que nous avons eue à ce sujet avec Simeon Siegel.
Q : En quelques mots, quelles sont les principales conclusions de ce rapport, et sont-elles différentes pour les investisseurs et pour les entreprises?
R : Ce qui est fascinant dans la vie en général, c’est que, que l’on soit un particulier, une entreprise ou une équipe de direction, nous sommes entraînés à mettre l’accent sur la croissance pour la croissance, ce qui nous amène, malheureusement, à prendre les décisions que nous pensons devoir prendre, et non parce que nous le voulons.
Le commerce de détail ne fait pas exception. Pendant des décennies, le secteur du commerce de détail n’a fait que lutter pour augmenter ses ventes, au point que cette augmentation des ventes est devenue nuisible.
Dans ce rapport, nous constatons que la COVID a obligé le monde entier à se mettre sur pause, ou à remettre les compteurs à zéro. Cette remise des compteurs à zéro est pour les entreprises l’occasion de porter un regard très critique sur leur fonctionnement interne afin de se réorganiser en prévision de l’avenir, et de réfléchir aux décisions qu’elles devraient prendre, par opposition à celles qu’elles sont obligées de prendre.
Ce que cela signifie pour le commerce de détail, c’est que, pour la première fois dans l’histoire récente, les détaillants peuvent décider quels magasins ouvrir plutôt que de choisir lesquels fermer.
Notre analyse a donc essentiellement consisté à identifier la trajectoire à suivre pour gagner en solidité et en santé en réduisant sa taille. Les deux options consistent essentiellement 1) à fermer des magasins pour réduire ses coûts ou 2) à réduire les promotions pour rehausser la marque. Notre analyse démontre que les deux options constituent une opportunité, mais que la deuxième est beaucoup plus saine.
Q : Vous dites que, pour certaines grandes marques, c’est une occasion unique de « réduire leur taille pour mieux croître ». Qu’est-ce que la situation actuelle a de si unique et, concrètement, dans le contexte de la COVID, comment les choses vont-elles selon vous se dérouler?
R : La conclusion principale de ce rapport, c’est qu’en réduisant son chiffre d’affaires, on peut augmenter ses bénéfices. Dans le passé, la stratégie consistant à réduire sa taille pour mieux croître n’a pas fonctionné, ou elle avait une connotation négative. La raison en est que vous deviez d’abord réduire votre taille avant de pouvoir croître.
Ce que la situation actuelle a de si particulier, c’est que, le plus dur, dans cette stratégie, c’est la partie réduction de la taille; or, la COVID a déjà provoqué une diminution de taille des entreprises. La question est maintenant de savoir qui choisira de croître et de croître d’une manière qui soit saine. Dans ce rapport, nous nous intéressons spécifiquement aux entreprises qui ne font pas d’argent... Celles qui ont été le plus durement touchées, celles qui s’étaient développées au-delà de niveaux raisonnables et qui ont vu leurs bénéfices retomber. Si vous vendez des milliards de dollars de vêtements, mais que ça ne vous rapporte rien, il y a un problème. Vendez moins, demandez plus cher, vos bénéfices vont augmenter.
Pour ces entreprises, dont la taille a déjà diminué, la question est la suivante : allez-vous revenir à la situation de 2019 et repartir dans la même course folle ou allez-vous prendre conscience du fait que cette crise est l’occasion de relancer la croissance?
Q : Pensez-vous que le commerce de détail américain soit capable de tourner le dos à des décennies de « Plus c’est gros, mieux c’est? »
R : Je pense que le plus difficile avec cette stratégie, c’est que les entreprises sont gérées par des humains et que les humains ne sont pas programmés pour savoir quand s’arrêter. Le fait est que, même avant la COVID, le monde était déjà allé trop loin. Le secteur américain du commerce de détail était déjà globalement engagé dans un mouvement de réduction : des magasins avaient commencé à fermer, des entreprises déclaraient faillite. Ce n’est pas nouveau. C’est un phénomène qui a commencé il y a quelques années à la suite d’erreurs et de mésaventures.
La question est maintenant de savoir, si, compte tenu de la COVID, il est préférable d’arracher le pansement une fois pour toutes et de recommencer à zéro ou de continuer à essayer de réappliquer des pansements et de ne jamais vraiment guérir?
Q : Donc, faut-il réduire le nombre de magasins, mais faire de la promotion ou faire l’un ou l’autre?
R : Compte tenu du développement excessif du secteur du commerce de détail en Amérique, la décision la plus facile, et souvent la première à prendre, consiste à fermer des magasins. Ce que nous avons constaté, c’est que certaines entreprises auraient intérêt à procéder de la sorte. Nous avons vraiment creusé ce que cela signifierait de fermer des magasins et quelles en seraient les implications financières et nous avons constaté que les fermetures de magasins pourraient en fait être rentables ou faire perdre de l’argent aux entreprises. Ce qu’il y a de fascinant dans tout ça, c’est qu’il existe une poignée d’entreprises pour lesquelles la fermeture de magasins serait clairement rentable, mais que, dans l’ensemble, la plupart des entreprises perdraient de l’argent si elles fermaient un magasin. C’est une bonne chose, parce que cela signifie que les magasins valent vraiment quelque chose. Bien sûr, il existe des cas isolés de magasins peu productifs ou même non rentables dont la fermeture est justifiée, mais la réalité, c’est que, malgré le nombre excessif de magasins, la plupart continuent à faire de l’argent.
Nous pensons donc qu’il appartiendra à chaque entreprise de définir sa stratégie et, dans notre rapport, nous exposons la situation d’ensemble et creusons pour savoir quelles entreprises profiteraient le plus et ce qu’elles doivent faire. Nous avons constaté que, même si la décision la plus facile (et normalement la première et celle qui fait le plus de bruit) consiste à fermer des magasins, pour que la stratégie soit réellement payante, elle doit s’accompagner d’une attention particulière à la gestion des stocks et d’une hausse de prix.
Q : Mais les magasins peuvent-ils de façon réaliste augmenter les prix et espérer conserver leur clientèle?
R : Augmenter les prix est difficile. Lorsque vous fermez un magasin, vos dépenses diminuent immédiatement et il est très facile de voir les résultats. Si les calculs sont bons, c’est immédiat. La seule garantie avec une augmentation de prix, c’est que vous allez faire fuir des clients. Vous allez perdre des revenus. La mise en œuvre d’une telle stratégie nécessite donc une volonté très forte et une capacité à regarder de l’avant et à faire face à une forte baisse de revenus. Oui, votre volume de ventes diminue parce que vous vendez moins si vous demandez des prix plus élevés, mais cela signifie que chaque dollar auquel vous renoncez fait que chaque dollar que vous continuez à vendre est beaucoup plus sain, ce qui constitue selon nous le réel avantage.
Q : Quelle est l’importance de cette opportunité pour certaines des entreprises que vous avez analysées? Est-ce une stratégie de survie autant que de croissance?
R : Je pense que celles qui se contenteront d’essayer de renouer avec la même course folle retomberont dans un cercle vicieux. La folie, dans le contexte de la COVID, serait de penser que les choses vont s’améliorer sans changer quoi que ce soit. La réalité, c’est que les entreprises qui comprendront qu’elles ont l’occasion de changer les choses pourront prendre une orientation différente.
Quant à savoir ce que cette opportunité a d’important, ce que notre rapport démontre, c’est que les chiffres sont si mauvais actuellement que certaines marques parviendront à doubler leurs bénéfices en vendant moins.
Les meilleurs rapports de recherche sont ceux qui m’apprennent quelque chose de nouveau. Ce qui revenait sans cesse dans l’élaboration de ce rapport, c’est que certaines marques pouvaient gagner en faisant des changements sur les deux fronts.
Q : Dans votre rapport, vous avez appliqué une grille d’analyse aux entreprises que vous couvrez, mais cette méthode pourrait-elle être appliquée plus largement?
R : Nous avons élaboré une feuille de route permettant de voir comment une réduction du nombre de magasins pourrait permettre aux plus grandes marques et entreprises de croître dans le contexte de la COVID. Parmi les entreprises que nous suivons, il y a en a qui génèrent des chiffres d’affaires très importants et qui ne font pas d’argent.
Une fois que vous avez décidé quelle entreprise vous voulez analyser, le modèle que nous avons créé vous permet d’entrer le nom de la société et de saisir quelques variables et de décider ce que vous voulez augmenter (unités, prix, prix unitaire moyen). Cela vous indiquera ensuite l’effet correspondant. Nous avons appliqué la grille aux sociétés que nous suivons; nous l’avons toutefois créée de façon à ce qu’il soit possible d’y ajouter d’autres entreprises assez facilement. L’objectif est donc de pouvoir l’utiliser plus généralement.
Q : Pensez-vous que les investisseurs accepteront que des sociétés cotées utilisent ce genre de stratégie de réduction de la taille pour mieux croître?
R : Nous avons observé un regain d’intérêt marqué des investisseurs pour les histoires de redressement dans les centres commerciaux.
La réalité, c’est qu’il est difficile d’expliquer aux investisseurs que vous allez réduire la taille de votre entreprise. Ce n’est pas quelque chose que les investisseurs aiment entendre. Toutefois, de la même manière que les équipes de direction n’ont pas eu à décider de réduire leurs activités à la suite de la COVID, les investisseurs n’ont pas à les entendre le dire puisque c’est déjà fait. Il est donc beaucoup plus facile pour les investisseurs d’augmenter leurs attentes après avoir dû les diminuer radicalement, et c’est là que nous en sommes.
La situation est de plus en plus confortable pour les investisseurs puisqu’ils constatent des possibilités de redressement d’entreprises qu’ils jugeaient auparavant désespérantes.
Q : Instant boule de cristal : à quoi pourrait ressembler ce secteur dans un an? Dans trois ans? Ces grandes marques auront-elles réduit le nombre de leurs magasins pour assurer leur croissance?
R : Ce que nous expliquons dans le rapport, c’est qu’il s’agit d’une occasion tout à fait unique. La question est de savoir qui choisira d’en profiter. Parce que la COVID a imposé la partie difficile de la stratégie, celle consistant à réduire le nombre de magasins, aux entreprises, les résultats pourraient se faire sentir beaucoup plus tôt que nous nous y serions autrement attendus.
Si le monde renoue avec une certaine normalité et que ces entreprises décident de ne pas rouvrir 20 % de leurs magasins (plutôt que de les fermer) et en même temps d’augmenter leurs prix de 10 % à 20 %, nous allons voir les résultats immédiatement, puisque 2020 deviendra la base. La plus grosse crainte et la plus grosse inconnue consisteront à savoir si les équipes de direction seront à l’aise et si les investisseurs sauront faire preuve de tolérance au fil des trimestres, lorsqu’ils constateront que les résultats restent inférieurs à ceux de l’exercice 2019. Les gens se souviendront-ils qu’ils voulaient que l’entreprise réduise le nombre de ses magasins pour assurer sa croissance ou diront-ils « allez, relancez la machine »?
C’est ça, selon moi, qui constitue le plus gros risque. La crainte n’est pas tant de savoir si « on peut rétablir la situation rapidement ». Je pense que la question est de savoir si les gens se souviendront qu’une taille plus petite peut être plus avantageuse.
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