Prêts liés à la durabilité : ce n’est qu’un début!

Le lancement, par Enbridge Inc., de son premier prêt lié à la durabilité de 1 milliard de dollars canadiens en février 2021 a marqué une étape cruciale non seulement pour l’entreprise elle-même, mais aussi pour les prêts liés à la durabilité en tant qu’instruments flexibles, indépendants des secteurs, qui permettent aux sociétés de faire progresser la lutte contre les changements climatiques et d’influer sur des enjeux sociaux importants.
À peine un an plus tard, le produit a dépassé toutes les attentes, et peu auraient pu imaginer la rapidité et l'ampleur de l'engouement pour les prêts liés à la durabilité, qui incitent les entreprises à atteindre des objectifs de durabilité de grande envergure grâce à des conditions financières qui récompensent des objectifs de durabilité significatifs et prédéterminés.
Les prêts liés à la durabilité ont pris d'assaut l'Amérique du Nord et le monde entier, avec plus de 370 milliards de dollars annoncés en 2021, soit 30 % de la dette durable émise dans le monde, et ce rythme devrait s'accélérer à mesure que la transition vers un monde plus sobre en carbone s'accélère.
De nos jours, les prêts liés à la durabilité attirent l’attention non seulement des sociétés et secteurs « verts » traditionnels, mais aussi de ceux qui le sont historiquement moins et dont les objectifs liés aux facteurs ESG témoignent d’une volonté à créer un avenir plus durable.
Enbridge en est un bon exemple : à peine trois mois après son entrée sur le marché des prêts liés à la durabilité, cette multinationale canadienne du secteur des pipelines a récidivé avec une émission d’obligations liées à la durabilité de 1,5 milliard de dollars américains et a annoncé un cadre complet d’obligations liées à la durabilité.
Instruments souples et indépendants des secteurs
L’essor des prêts liés à la durabilité va de pair avec une prise de conscience de la part d’entreprises de nombreux secteurs : celles-ci comprennent que si elles investissent du temps et des ressources dans l’élaboration d’une stratégie de développement durable robuste, leurs coûts d’emprunt s’aligneront directement sur leurs améliorations et leurs objectifs en matière de durabilité.
Aujourd’hui, cet instrument de financement est abordé dans presque chaque conversation sur le crédit aux entreprises avec nos clients, dont beaucoup ont innové en lançant des prêts liés à la durabilité en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde, à commencer par Les Aliments Maple Leaf Inc. Celle-ci a marqué l’histoire du développement durable en décembre 2019 en concluant le tout premier prêt lié à la durabilité au Canada.
Au cours des deux derniers mois seulement, beaucoup d’autres clients ont joint cette cohorte. Saputo et Sandstorm sont récemment devenues, respectivement, le premier producteur laitier et la première société de redevances minières d’Amérique du Nord à contracter des prêts liés à la durabilité. En septembre, TC Transcontinental a été la première entreprise d’emballage à le faire. Peu après Sandstorm, Teck Resources Ltd., la plus grande société minière diversifiée du Canada, est devenue un des premiers producteurs miniers d’Amérique du Nord à contracter un prêt lié à la durabilité structuré en fonction d’indicateurs de rendement clés (IRC) liés à trois thèmes : action climatique, diversité de genre et inclusion, et santé et sécurité.
Pouvoir aider les entreprises à devenir plus durables est également intéressant pour des prêteurs comme BMO, car cela nous permet d’être les partenaires privilégiés de nos clients dans la transition vers un monde à faibles émissions de carbone. Les prêts liés à la durabilité récompensent les clients qui s’engagent à améliorer leur profil ESG, et servent d’indicateurs aux investisseurs qui tiennent compte des risques ESG dans leurs modèles d’évaluation et leurs décisions de placement. En contractant un prêt lié à la durabilité, une entreprise montre qu’elle reconnaît la nécessité d’atténuer les risques ESG et qu’elle s’est donné une feuille de route pour s’améliorer.
Des défis pour la croissance
La croissance continue du marché des prêts liés à la durabilité n’est pas exempte de défis, telles l’analyse comparative en temps réel et la certification en temps opportun des résultats en regard des IRC.
Si la pandémie mondiale a servi de catalyseur aux stratégies et politiques en matière de durabilité, elle a aussi montré combien des événements perturbateurs peuvent biaiser les critères sur fond d’asymétrie de l’information.
Tout comme la COVID-19 a ralenti le rythme de production et abaissé les émissions, les événements tels que les arrêts de travail au pays et les guerres commerciales à l’étranger perturbent aussi les chaînes d’approvisionnement; il est donc plus difficile, pour les sociétés qui veulent contracter un prêt lié à la durabilité, de se fixer des IRC et de définir clairement où elles sont et vers où elles veulent aller.
Les prêts liés à la durabilité sont aussi victimes de leur propre succès parce que les tiers auditeurs qui vérifient le rendement en regard des IRC ne suffisent pas à la tâche, en particulier dans les secteurs traditionnellement moins « verts » et où des connaissances plus spécialisées sont requises.
Dans la foulée de la COP26
Malgré certains obstacles, les instruments liés au développement durable devraient connaître une croissance encore plus fulgurante, alors que nous émergeons de la pandémie et que les entreprises continuent de se concentrer sur les risques environnementaux et réglementaires, y compris l’évolution des politiques gouvernementales. À titre d’exemple, le marché des obligations liées au développement durable s’élevait à 103 milliards de dollars en 2021. Le potentiel de croissance est donc important, puisque les investisseurs emboîtent le pas aux prêteurs pour tirer à leur tour parti de ce marché.
Un autre vecteur probable de croissance cette année sera l’annonce et la mise en œuvre de nouvelles politiques par les principaux gouvernements du monde entier dans la foulée de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26) qui s’est tenue à Glasgow en novembre dernier, et la réaction des entreprises qui chercheront encore plus à savoir à quoi ressemblera l’avenir et à évaluer les occasions et les risques associés qui se présenteront.
Si, à l’heure actuelle, le marché des capitaux d’emprunt liés au développement durable ne représente encore qu’une faible part du total des titres d’emprunt mondiaux émis, cette part ne peut que croître. Il se pourrait même qu’un jour l’harmonisation des instruments d’emprunt avec les critères ESG et de développement durable devienne de plus en plus répandue et que la demande de la part des emprunteurs comme des investisseurs augmente en conséquence.
Les choix qui s’offrent aux émetteurs et investisseurs axés sur l’ESG se sont considérablement élargis avec l’avènement et l’évolution des prêts et des obligations liés au développement durable, étoffant la gamme de produits d’emprunt proposés aux entreprises qui ont pris des engagements ambitieux et de grande envergure en matière de durabilité.

John Uhren
Chef, finance durable, Produits et stratégie