Financer la transition énergétique

Le rôle de la finance verte pour un avenir plus durable

L’accélération de la transition énergétique exige une vision globale de l’économie ainsi qu’une collaboration et une coordination plus poussées entre les secteurs pour consolider l’élan en faveur de la carboneutralité. C’est un des principaux points à retenir de la table ronde Le rôle de la finance verte pour un avenir plus durable, tenue lors de la Conférence de Montréal 2023 organisée par le Forum économique international des Amériques.


La table ronde, animée par Mathieu Dion, chef du bureau de Montréal de Bloomberg, portait sur la question de savoir comment les quelque 1 940 milliards de dollars US nécessaires pour financer la transition énergétique devaient être mobilisés et investis. Grégoire Baillargeon, président de BMO Groupe financier, Québec, Matthew Chamberlain, chef de la direction du London Metal Exchange (LME), et Lori Kerr, cheffe de la direction de FinDev Canada, ont parlé de la façon dont ces fonds pouvaient être utilisés alors que des billions de dollars continuent d’être investis dans l’exploration et la production de combustibles fossiles.




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Le perfectionnisme étouffe l’élan



Selon Grégoire Baillargeon, le marché doit se rappeler que nous sommes au milieu d’une transition vers la carboneutralité; or, le marché a tendance à chercher les failles potentielles dans les solutions, ce qui peut étouffer le progrès. « Le perfectionnisme brise l’élan. C’est cela le plus inquiétant selon moi », a-t-il déclaré. « On ne peut pas investir tout le capital dans les solutions sobres en carbone, mais on doit investir beaucoup de capital dans la décarbonisation des secteurs qui en ont besoin. »


Les entreprises peuvent être découragées de voir que les choses ne bougent pas assez vite, mais les bonnes initiatives ne manquent pas, a-t-il expliqué. L’élan, a-t-il ajouté, peut être un puissant outil. « Nous sommes parfois surpris de voir à quel point nous progressons. »


Technologies propres contre pétrole et gaz


« Nous finançons l’industrie pétrolière et gazière, et nous n’avons pas l’intention d’arrêter », a précisé M. Baillargeon. Le rôle d’une banque, a-t-il affirmé, est notamment d’agir comme partenaire de confiance pour faciliter le bon fonctionnement de l’économie. Les banques peuvent faire le plus de bien en proposant des solutions à leurs clients qui ont une empreinte carbone importante, tout comme à ceux qui innovent en matière de technologies propres.


« Nous devons doubler la production d’énergies renouvelables, nous devons tripler l’efficacité énergétique pour faciliter cette transition, mais nous ne devons pas non plus oublier que ce n’est qu’un aspect de la transition », a-t-il déclaré, ajoutant qu’il est tout aussi important pour l’économie canadienne d’appuyer l’abandon progressif du pétrole et du gaz.


« Nous sommes pragmatiques; nous trouvons des solutions et nous les mettons au service de la transition », a-t-il indiqué. Notre ambition climatique vise à devenir le principal partenaire de nos clients dans la transition vers un monde à zéro émission nette; c’est pourquoi nous avons lancé l’Institut pour le climat de BMO et acquis BMO Radicle.


« Les banques créent des marchés pour les produits de base, et nous avons maintenant les outils pour créer un marché autour du carbone, et faire en sorte qu’il soit dûment pris en compte », a expliqué M. Baillargeon.


Définir des normes


Matthew Chamberlain a indiqué que le LME a commencé à adopter une vision plus large de ses responsabilités environnementales, sociales et liées à l’environnement (ESG) quand les médias ont évoqué d’éventuelles violations des droits en matière de travail des enfants au sein de la chaîne d’approvisionnement du cobalt, en 2017. « Il ne suffit pas de dire qu’on ne fait rien de mal. Il faut aussi se demander comment on peut faire partie d’une solution positive », a-t-il déclaré, laquelle implique aussi de faciliter la mise en valeur de ressources minérales critiques. « La transition verte nécessitera d’énormes quantités de ces produits de base », a-t-il précisé.


M. Chamberlain a rendu hommage à l’Union européenne pour avoir élaboré une taxonomie des technologies durables « extrêmement ambitieuse », en relevant le défi de classer les activités commerciales durables dans six catégories clés et de créer un système de notation pour les investisseurs. « J’espère vraiment que l’élan qui sous-tend cette initiative se poursuivra », a-t-il déclaré.


Une transition équitable


Lori Kerr, de FinDev, organisme fédéral qui finance les investissements verts dans les pays en développement, a indiqué qu’il était important que la transition énergétique soit équitable, et que les familles et collectivités dont la subsistance dépend actuellement des combustibles fossiles se voient offrir de nouvelles occasions. Elle a également mis en garde contre le fait de négliger les 675 millions de personnes sans accès à l’électricité dans les discussions sur la transition et la possibilité de les faire passer directement aux énergies renouvelables réparties.


Les participants sont d’accord pour dire qu’il faut encourager plusieurs approches en matière de décarbonisation – faire « tout, partout et en même temps », pour reprendre les mots du secrétaire général des Nations Unies António Guterres –, par exemple en adoptant des taxes sur le carbone dans certains territoires et des crédits carbone dans d’autres, et en combinant les règlements et les mesures incitatives. Ayant investi dans une plateforme de négociation de crédits carbone, BMO Radicle, M. Baillargeon a déclaré : « Nous ne disons pas que les gens devraient compenser au lieu de réduire; tout le monde, que ce soient les sociétés ou les individus, doit s’efforcer de réduire le plus possible son empreinte carbone. »


Une plus grande collaboration est requise


À la question de savoir quelle était selon lui la probabilité, sur une échelle de 1 à 10, que la carboneutralité soit atteinte dans le monde d’ici 2050, M. Baillargeon a répondu 10. « Je ne pense pas que ce soit un choix; c’est un impératif », a-t-il affirmé.


« La condition la plus importante pour y arriver, selon moi, c’est la prospérité économique », a-t-il ajouté. Trouver des solutions exige de l’innovation et une prise de risques qui sont rendues possibles par la croissance et les profits, mais qui sont plus difficiles aujourd’hui en raison de facteurs comme l’inflation et les taux d’intérêt élevés. Un de ses principales craintes à l’heure actuelle, c’est que le cycle économique ralentisse tous ces efforts.


Selon M. Baillargeon, l’action mondiale coordonnée pour lutter contre la COVID-19 laisse tout de même espérer que l’économie mondiale relèvera le défi climatique. « Tout est question de collaboration. Les secteurs d’activité doivent agir de concert », a-t-il déclaré. « Nous devons livrer concurrence là où la concurrence accélère l’innovation, et nous devons collaborer en partageant les connaissances : on ne peut plus se permettre d’attendre. »


Gregoire