Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette élection canadienne a été très serrée. En effet, les libéraux et les conservateurs ont obtenu plus de 40 % du vote populaire. Le commerce international et les droits de douane étaient en tête des préoccupations des électeurs, et c’est le parti libéral, avec à sa tête l’ancien gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney, qu’ils ont choisi pour s’attaquer à ces enjeux majeurs.
Pour expliquer ce que le résultat de ces élections signifie pour l’économie et les investisseurs nord-américains, l’équipe BMO Marchés des capitaux a organisé une table ronde réunissant :
Camilla Sutton, modératrice de la table ronde et première directrice générale et chef, Recherche sur les actions, Canada et Royaume-Uni
Brian Belski, stratège en chef, Placements, BMO Marchés des capitaux
Jennifer Lee, économiste principale et première directrice générale, Études économiques
John Waters, vice-président et directeur général, Services-conseils en fiscalité à BMO Gestion privée
Les relations sont-elles en voie d’amélioration?
« Le premier ministre Carney a du pain sur la planche, mais les libéraux doivent se concentrer sur certaines priorités, a dit Jennifer Lee. Ils doivent commencer par s’attaquer à l’enjeu principal de ces élections, c’est-à-dire les relations commerciales avec les États-Unis ». Mme Lee s’attend à ce que M. Carney organise une rencontre en personne avec le président américain Donald Trump dès que possible.
« Les Canadiens attendent du premier ministre Carney qu’il améliore les relations de travail pour que les rencontres soient conviviales, voire amicales, contrairement à celles auxquelles nous avons pu assister, a-t-elle poursuivi. La tâche ne sera pas aisée et cela dépendra en grande partie de la façon dont le président Trump et son cabinet l’accueilleront aux États-Unis, ainsi que des exigences du gouvernement américain. »
Le gouvernement canadien devra également apporter son soutien aux secteurs de l’économie qui ont déjà été touchés par les droits de douane. Si les droits de douane imposés à certains secteurs sont actuellement en pause pendant 90 jours, d’autres sont toujours en vigueur, comme ceux de 25 % sur l’acier et l’aluminium et ceux de 25 % sur les voitures qui ne sont pas fabriquées ou produites aux États-Unis. Dans le même temps, le gouvernement doit être prêt au cas où un répit serait accordé.
Mme Lee souhaite également voir ce que le gouvernement a prévu de faire concernant les dépenses de défense, domaine auquel le gouvernement américain, de son côté, porte une attention particulière. Avant les élections, les partis canadiens parlaient de faire passer les dépenses de défense à 2 % du PIB, ce qui est bien en deçà des 5 % récemment annoncés par M. Trump. « Nous allons devoir redoubler d’efforts sur le plan de la défense », a-t-elle souligné.
Diversité sur le plan commercial
« La situation commerciale dépendra en grande partie des relations qu’établiront les États-Unis et le nouveau gouvernement canadien », a déclaré Mme Lee. Étant donné que 33 % des exportations américaines ont pour destination le Canada et le Mexique, elle espère qu’une entente sera conclue le plus tôt possible. Dans le cas contraire, d’autres options s’offrent au Canada. « Nous allons examiner les accords commerciaux que le Canada pourrait conclure avec d’autres pays, a-t-elle expliqué. Cela prendra du temps, mais nous espérons que nos échanges commerciaux s’élargiront au-delà des États-Unis pour inclure d’autres régions du monde. »
Brian Belski a conseillé aux investisseurs d’éviter de porter un jugement hâtif tant que les négociations commerciales n’ont pas eu lieu. Malgré les nouvelles, il reste optimiste quant aux actions canadiennes.
« Nos entreprises sont étroitement liées, non seulement dans le secteur financier, mais aussi du côté des consommateurs et du transport, a-t-il affirmé au sujet du Canada et des États-Unis. Selon nous, l’essentiel de la baisse des actions canadiennes s’est déjà matérialisé dans ces secteurs. C’est pourquoi nous sommes aussi positifs quant à l’avenir du Canada. »
Le point sur les marchés
« Le marché canadien a enregistré de bons résultats au deuxième semestre l’an dernier, a souligné M. Belski, et cette tendance se poursuit en 2025. » Si le marché américain a reculé de 6 % depuis le début de l’année, celui du Canada est resté stable au cours de la même période. Au cours des 12 derniers mois, l’indice composé S&P/TSX a augmenté de 13 %, tandis que l’indice composé Standard & Poor’s 500 n’a augmenté que de 8 %.
C’est pourquoi M. Belski a demandé aux clients d’intégrer plus d’actions canadiennes à leur répartition de l’actif. « En juillet dernier, nous avons annoncé publiquement que le Canada devançait les États-Unis, a-t-il poursuivi. Même si le 9 avril, nous avons revu à la baisse notre cible pour le Canada et pour les États-Unis, nous continuons de voir le Canada atteindre de nouveaux sommets, soit 26 500 $ en ce qui concerne l’indice et des bénéfices de 1 550 $ en ce qui concerne l’indice TSX. Au cours des trois à cinq prochaines années, les deux marchés devraient connaître des rendements similaires. »
Solutions fiscales
En ce qui concerne les impôts, John Waters a dit que l’on pouvait s’attendre une baisse de 1 % du taux d’imposition marginal appliqué à la tranche de revenu la plus basse. Dans le secteur du logement, il s’attend à ce que les libéraux concrétisent les autres changements proposés, comme la suppression de la TPS sur les nouvelles constructions jusqu’à concurrence d’un million de dollars pour les acheteurs d’une première maison et la réintroduction d’incitatifs fiscaux pour les immeubles résidentiels à logements multiples afin de dynamiser l’offre. Dans le secteur de l’innovation, il prévoit l’introduction d’un régime privilégié canadien des brevets qui est un programme d’incitatifs fiscaux visant à récompenser les innovateurs et à les encourager à développer des projets au Canada.
Les aînés peuvent s’attendre à une augmentation temporaire de 5 % du supplément de revenu garanti ainsi qu’à une réduction de 25 % du versement minimal du fonds enregistré de revenu de retraite que les titulaires de compte doivent se verser chaque année. Cela arrivera probablement en 2025.
« Les personnes qui ont déjà effectué leur retrait minimum du FERR pourront retirer de nouveau jusqu’à 25 % si elles le souhaitent, a-t-il expliqué. Celles qui n’ont pas retiré leur revenu minimal pour cette année auraient intérêt à attendre quelques semaines, d’ici à ce que nous en sachions davantage. »
Concernant les changements apportés aux gains en capital, sujet brûlant avant les élections, M. Waters s’attend à ce que le taux d’inclusion demeure à 50 % et ne passe pas aux deux tiers comme cela a été proposé. « Mark Carney et Pierre Poilievre ont tous deux exprimé leur intention de ne pas donner suite à cette proposition. S’il s’agit d’un gouvernement minoritaire et que des compromis doivent être faits, je pense qu’ils ne concerneront pas ce point. »