Qu’il s’agisse de conflits mondiaux, de changements climatiques ou de concurrence dans l’espace, les États-Unis et le Canada devraient redéfinir ce que la sécurité signifie dans un monde de plus en plus connecté. La question est de savoir comment deux partenaires de longue date peuvent continuer à transformer les défis communs en force collective. 

  

Ce thème était au cœur de la table ronde sur la fortification de l’avenir et les défis en matière de sécurité et de défense en Amérique du Nord qui a eu lieu lors de la troisième édition annuelle du Sommet Canada-États-Unis, organisé par BMO et le groupe Eurasia, et à laquelle ont pris part les panélistes suivants :  

  

  • Cara Abercrombie, ancienne sous-secrétaire adjointe intérimaire à la Politique de défense et ancienne secrétaire adjointe aux Acquisitions de la Défense 

  • Mike Greenley, chef de la direction, MDA Space 

  • Jeff Hanman, vice-président à la direction et chef de la stratégie, Teck Resources 

  • Jane Harman, présidente de la Commission sur la stratégie de la Défense nationale 

  • Marc Gustafson, directeur général de l’analyse, groupe Eurasia (animateur)

 

Voici les points saillants de la discussion.


Un tournant essentiel pour les relations entre les États-Unis et le Canada


Pour Mike Greenley de MDA, la décision du Canada de faire passer ses dépenses annuelles en matière de défense d’environ 2 % à 5 % du PIB, soit environ 150 milliards de dollars au cours de la décennie, marque un changement important dans les relations avec ses alliés. « Le Canada va contribuer à sa propre défense et à la fourniture capacités appropriées à ses alliés, ce qui crée des occasions », a-t-il dit.


Mais cette action apporte également de nouvelles complexités. Le plan du Canada visant à faire croître son secteur national de la défense et à réduire la part de ses dépenses connexes qui s’en va aux États-Unis, montant correspondant actuellement à 75 cents par dollar, transformera inévitablement la dynamique commerciale. M. Greenley a déclaré que le défi consistera à trouver le bon équilibre entre la protection de la base industrielle du Canada et le maintien de l’ouverture des marchés aux alliés de confiance.  


« Lorsque nous collaborerons avec les États-Unis dans le cadre de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) ou avec l’Europe dans le cadre de nouvelles relations commerciales, les gouvernements de ces pays voudront que leurs industries de la défense aient accès à l’augmentation des dépenses du Canada dans ce secteur », a-t-il dit. 


De l’avis du groupe d’experts, c’est cet équilibre qui définit la force de l’alliance elle-même. Mme Harman a rappelé à l’auditoire que la sécurité et la prospérité des deux pays sont déjà interreliées par des systèmes de défense aérienne partagés, des réseaux de renseignements et des chaînes d’approvisionnement essentielles.  


Mme Abercrombie a ajouté que cette intégration est plus que symbolique. En vertu des lois américaines, les biens et services liés à la défense produits au Canada sont traités comme des produits nationaux, ce qui permet au Pentagone d’acheter des technologies et des composantes canadiennes comme si elles étaient fabriquées aux États-Unis. Il en résulte un écosystème de défense vraiment partagé, qui aide les deux pays à développer ensemble des capacités, à accélérer l’approvisionnement et à réagir conjointement aux menaces émergentes. « C’est une très grande force », a-t-elle dit.


De nouvelles frontières : l’espace et l’Arctique


L’espace et l’Arctique sont de nouveaux terrains de coopération et de concurrence. Les changements climatiques, la technologie et la géopolitique redéfinissent les frontières de la sécurité et du commerce. Mme Abercrombie a déclaré que la prochaine stratégie de la Défense nationale des États-Unis fera de la défense du territoire sa priorité absolue, en ajoutant : « Nous ne pouvons pas faire cela sans le Canada ».


La modernisation du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) est au cœur de cet effort, les deux pays investissant dans de nouvelles capacités pour renforcer la détection et l’intervention rapides. Elle a souligné le travail en cours sur les défenses aériennes et antimissiles intégrées, y compris un système à plusieurs niveaux proposé appelé « Dôme d’or », à titre d’exemple pour illustrer que la collaboration entre les États-Unis et le Canada est essentielle à la sécurité future. 


La réussite du système, a-t-elle dit, dépendra de la détection et du suivi de toute menace entrante, ainsi que de la mobilisation connexe. « C’est une excellente occasion pour le secteur du commerce lié à l’espace », a-t-elle ajouté. 


M. Greenley a déclaré que l’industrie canadienne est prête à jouer son rôle. « En tant que chef de la direction d’une entreprise de satellites, je sais que nous sommes parfaitement en mesure de fournir des satellites d’observation de la Terre, des satellites d’observation spatiale et des systèmes de communication pour le Dôme d’or, la modernisation du NORAD ou d’autres défis qui se présentent », a-t-il dit.  


La valeur de l’économie spatiale mondiale s’élève maintenant à environ 600 milliards de dollars par année et pourrait atteindre 1 800 milliards de dollars d’ici 2040, selon M. Greenley. Il a ajouté que la Chine prévoit une économie spatiale annuelle de 10 000 milliards de dollars d’ici 2050, ce qui souligne à quel point il est essentiel que l’Amérique du Nord demeure concurrentielle.  


Selon Mme Harman, les investissements dans les zones frontalières peuvent également ouvrir de nouveaux corridors de ressources et renforcer la résilience économique de l’Amérique du Nord.


Minéraux critiques et résilience industrielle

 

Chaque progrès en matière de défense et de technologie dépend de minéraux critiques comme le cuivre, le nickel et les matières spécialisées comme le germanium et l’antimoine. Ils alimentent tout, des satellites aux infrastructures infonuagiques en passant par les véhicules électriques.  


Un véhicule électrique, par exemple, nécessite environ quatre fois plus de cuivre qu’une voiture classique à essence, tandis que les systèmes de défense et les systèmes spatiaux avancés dépendent d’un approvisionnement constant en minéraux critiques.  


La Chine contrôle actuellement entre 40 % et 100 % de la capacité mondiale de raffinage, selon le minéral. Cela laisse la porte ouverte à d’éventuelles manipulations de prix et perturbations de la chaîne d’approvisionnement. « Chaque fois que vous avez un tel degré de concentration, cela génère des risques », a expliqué M. Hanman.  


En parallèle, il y a une occasion. Citant les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie, M. Hanman a souligné que la demande mondiale de cuivre devrait augmenter de sept millions de tonnes d’ici 2040.  


« La bonne nouvelle, c’est que nous disposons des ressources nécessaires au Canada et aux États-Unis pour répondre à ce niveau de demande », a-t-il ajouté. Il peut toutefois s’écouler jusqu’à 20 ans avant qu’une nouvelle mine soit autorisée dans l’un ou l’autre des deux pays.  


Malgré les défis, la discussion s’est terminée sur une note optimiste. Les conférenciers ont convenu que le renforcement des chaînes d’approvisionnement, l’investissement dans la technologie et l’expansion des partenariats transfrontaliers définiront la prochaine ère de sécurité et de croissance en Amérique du Nord. 


« Les frontières nationales ne sont pas reconnues dans l’espace, a déclaré Mme Harman. « Nous sommes dans le même bateau, et nous devons travailler ensemble. »