La menace tarifaire brandie par le président désigné Donald Trump est trop importante pour être ignorée
A menacé du président désigné des États-Unis, Donald Trump, d’imposer un tarif de 25 % sur tous les produits canadiens et mexicains peut être un moyen de négocier avec d’importants partenaires commerciaux, mais cela ne diminue pas la nécessité urgente pour les marchés nord-américains de se préparer à des droits de douane potentiels.
C’était le principal point à retenir d’un événement numérique que BMO a organisé, The Trump Tariff Threat, une table ronde mettant en vedette :
Steve Verheul, ancien négociateur commercial en chef du Canada
(Modératrice) Allison Hakomaki, première vice-présidente et chef, Secteur public, secteurs émergents et comptes nationaux, Agricultures, BMO Entreprises, Canada
Doug Porter, économiste en chef, BMO Groupe financier
Yung-Yu Ma, chef des placements, BMO Gestion de patrimoine, É.-U.
Le milieu des affaires nord-américain a réagi fortement le 25 novembre, lorsque M. Trump a annoncé sur les médias sociaux qu’il s’engageait à « facturer au Mexique et au Canada un tarif de 25 % sur TOUS les produits entrant aux États-Unis ».
La publication a suscité de vives réactions des deux côtés de la frontière. En effet, les leaders des deux pays ont lancé une offensive diplomatique afin d’apaiser les relations avant l’investiture de M. Trump pour son deuxième mandat à la Maison-Blanche, le 20 janvier.
Risques liés à l’accès au marché américain
Peu de gens connaissent mieux l’importance d’une relation commerciale saine entre le Canada et les États-Unis que Steve Verheul, l’ancien négociateur commercial en chef du Canada, qui a travaillé à l’élaboration de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), qui a remplacé l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) pendant le premier mandat de M. Trump.
« Si le président désigné Donald Trump impose des tarifs de 25 % au Canada et au Mexique, ces pays auront un moins bon accès au marché américain que les 166 autres membres de l’Organisation mondiale du commerce, a expliqué M. Verheul.
Si Trump donne suite à sa menace tarifaire, seuls la Russie, la Corée du Nord et quelques autres pays auront un moins bon accès au marché américain que le Canada et le Mexique, qui sont les deux plus importants partenaires commerciaux des États-Unis. D’un certain point de vue, la situation semble peu crédible, mais cela ne signifie pas que nous ne devrions pas nous y préparer. »
Doug Porter, économiste en chef de BMO, a abondé en son sens. « Dans l’ensemble, les marchés financiers ne croient tout simplement pas que cela se produira », a-t-il déclaré. Il a toutefois souligné que le Canada doit tout de même aborder cette situation comme si les tarifs allaient être adoptés. Du point de vue du Canada, les risques liés à cette importante relation commerciale, même si des tarifs plus faibles devaient être imposés, sont trop importants pour être négligés.
Les tarifs et l’économie
« Les tarifs pourraient avoir une incidence inflationniste des deux côtés de la frontière, a déclaré M. Porter. Si on peut débattre de l’ampleur de l’effet inflationniste des tarifs, on peut à tout le moins s’accorder sur le fait que ceux-ci jetteraient du sable dans l’engrenage commercial. »
M. Porter a déclaré que la Chambre de commerce du Canada estime qu’un tarif de 25 % réduirait également d’environ deux points de pourcentage la croissance prévue du PIB du Canada au cours de la première année de sa mise en œuvre. La Banque du Canada devrait alors fixer son taux directeur entre 1,5 % et 2,5 % (alors qu’il est actuellement à 3,75 %). M. Porter a également ajouté que les tarifs feraient également probablement reculer le dollar canadien de 5 % à 10 % par rapport à ses niveaux actuels. Il est à noter qu’aucun des scénarios ne tient compte des mesures de représailles que pourraient prendre le Canada ou du ralentissement potentiel des investissements des entreprises.
« En effet, le Canada pourrait prendre des mesures de représailles, vraisemblablement en imposant ses propres tarifs sur les importations américaines ou en utilisant les taxes à l’exportation pour exercer des pressions sur certaines parties de l’économie américaine qui dépendent des biens canadiens, a déclaré M. Verheul. Le Canada se concentrerait sur certains domaines afin de maximiser les dommages et les irritants sur le marché américain. »
Allison Hakomaki, première vice-présidente et chef, Secteur public, secteurs émergents et comptes nationaux, Agricultures, BMO Entreprises, Canada, a fait remarquer qu’un certain nombre de membres de l’auditoire voulaient savoir quelle incidence les tarifs pourraient avoir sur le secteur de l’énergie.
M. Porter a répondu qu’il était peu probable qu’un différend commercial cible directement le secteur de l’énergie, car cela aurait des répercussions sur les deux pays. « Le prix du pétrole est au cœur des initiatives de M. Trump visant à réduire les coûts, a-t-il expliqué. Si les États-Unis tentaient d’exercer des pressions sur d’autres pays producteurs de pétrole comme l’Iran, le pétrole canadien deviendrait encore plus important. »
Il serait également compliqué pour le Canada de trouver un autre marché que le Midwest américain pour son pétrole, du moins à court terme. Non seulement il serait difficile d’expédier ce pétrole vers un nouveau marché, mais, comme Porter l’a souligné, les raffineries du Midwest sont spécialement établies pour traiter le type de pétrole brut qui provient du Canada.
Tarifs ciblés
Même si les États-Unis ne mettent pas en œuvre un tarif général de 25 %, Yung-Yu Ma, chef des placements à BMO Gestion de patrimoine, É.-U., a déclaré qu’il n’exclut pas l’utilisation de tarifs ciblés comme tactique de négociation. Pour M. Ma, la raison d’être des tarifs est la mise en œuvre de programmes que M. Trump juge importants, notamment le rapatriement de la production manufacturière aux États-Unis.
Dans l’ensemble, M. Ma s’attend à ce que M. Trump ne fasse l’objet d’aucune contrainte s’il donne suite à son plan d’imposition de tarifs sous quelque forme que ce soit. Il estime que ces mesures occuperont une place plus importante dans ses politiques que pendant son premier mandat, alors que sa plateforme électorale était axée sur les réductions d’impôt.
« Les réductions d’impôt joueront un rôle beaucoup moins important au cours de ce mandat, a déclaré M. Ma, soulignant que la situation budgétaire actuelle aux États-Unis ne laisse pas beaucoup de place pour des réductions importantes au-delà de l’élargissement des allégements fiscaux adoptés en 2017. Les tarifs, le commerce et cette idée de tenter de rapatrier la production manufacturière seront vraiment au cœur des politiques du gouvernement. »
Envisager la suite pour le Canada
Selon M. Verheul, l’enjeu aujourd’hui est que le Canada ne fait pas front commun contre M. Trump comme il l’a fait pendant les négociations de l’ACEUM. De plus, la situation politique actuelle au Canada est très différente, notamment les élections de 2025 et la diversité des situations politiques dans les provinces. « Nous ne parlons pas entièrement d’une seule voix dans les négociations, a souligné M. Verheul. Il est important que tout le monde soit sur la même page, car c’était notre plus grande force lors des dernières négociations. »
Par ailleurs, exclure le Mexique de la conversation serait une erreur, a déclaré M. Verheul. « Nous avons besoin du Mexique à la table des négociations, et pas seulement pour nous aider », a-t-il dit.
M. Verheul a reconnu que, en plus de renforcer la position de négociation du Canada, le Mexique contribuait de manière considérable à l’économie nord-américaine. « Leurs chaînes d’approvisionnement sont aussi étroitement liées aux États-Unis que les nôtres », a-t-il dit.
Peu importe les menaces, M. Porter a déclaré qu’il est clair que M. Trump sera un président ouvertement protectionniste qui continuera de brandir la menace d’éventuels tarifs contre certains de ses principaux partenaires commerciaux, y compris les pays amis. « N’édulcorons pas les choses, a-t-il dit. Ce sont les économies mexicaine et canadienne qui risquent d’en pâtir le plus. »