Pause tarifaire : L’incertitude plane sur l’économie et les marchés

Camions importateurs ou exportateurs de marchandises à destination et en provenance du Canada et des États-Unis

Le risque persistant de tarifs douaniers imposés par les gouvernements américain et canadien sème l’incertitude dans les perspectives économiques et d’investissement, même s’il pourrait y avoir des occasions à long terme malgré la volatilité des marchés financiers.


Dans un tourbillon de la politique commerciale, le président américain Donald Trump est passé de l’imposition d’un tarif de 25 % sur tous les biens canadiens et de 10 % sur l’énergie canadienne à une pause de 30 jours lundi. La menace des tarifs douaniers américains et les représailles du Canada ont bouleversé les prévisions économiques et poussé les entreprises et les investisseurs à revoir leurs stratégies.


Les tarifs douaniers généralisés et leur impact potentiel – sur le PIB, les actions, la devise et les rendements – étaient le sujet de la table ronde « Tarifs douaniers entre les États-Unis et le Canada : impact sur l’économie et les marchés ». Camilla Sutton, première directrice générale et chef, Recherche sur les actions, Canada et Royaume-Uni, a animé la conversation entre Michael Gregory, économiste en chef délégué de BMO Marchés des capitaux, et Brian Belski, stratège en chef, Placements de BMO Marchés des capitaux.

Prévisions troubles


Selon Michael Gregory, le mot « incertitude » résume à lui seul ce que les gens ressentent au sujet de cette semaine. Et cette incertitude fait en sorte qu’il est difficile d’élaborer des prévisions économiques. Pour comprendre la portée de l’incidence possible, les estimations de BMO pour le PIB du Canada en 2025 sont passées d’une croissance de 1,9 % à une croissance nulle avant de passer à une croissance de 1,7 %, le risque de tarifs douaniers passant de certain à probable, les tarifs douaniers étant passés du statut de risque à celui de certitude, puis de nouveau à celui de risque. « Nous avons décidé de ne pas revenir à la situation antérieure, a déclaré M. Gregory. Car maintenant que les tarifs douaniers ont été révélés, il y a beaucoup plus d’incertitude. »

Risques au 1er avril


Gregory a signalé des risques prononcés en vue du 1er avril. Le président Trump a demandé à divers agences et ministères gouvernementaux d’évaluer tous les aspects de la politique commerciale des États-Unis. Leurs conclusions le 1er avril pourraient entraîner un large éventail de tarifs supplémentaires.

Éliminer les obstacles


Il ne fait aucun doute que le Canada, où les exportations vers les États-Unis représentent près de 20 % du PIB, sera considérablement plus touché par les tarifs douaniers que son voisin du sud, où les exportations totales vers le Canada représentent bien moins de 2 % du PIB, a souligné M. Gregory. Les tarifs pourraient avoir une incidence sur toutes sortes d’industries canadiennes, notamment l’énergie, l’agriculture, la production automobile et l’ensemble du secteur manufacturier. De plus, la vigueur ou la faiblesse d’un secteur important pourrait avoir des répercussions sur tous les secteurs de l’économie.


Selon M. Gregory, l’une des façons d’atténuer le choc serait de réduire les obstacles au commerce entre les provinces pour ajouter entre 4,5 % et 8 % au PIB du Canada à long terme. Bien que divers règlements seraient à remanier, l’élimination de ces obstacles serait « efficace », a-t-il souligné. « Ce à quoi nous faisons face pourrait nous inciter à apporter ces changements. »


En même temps, le Canada doit diversifier ses exportations à l’échelle mondiale, a-t-il dit. Dans la deuxième moitié des années 2010, le pays a signé des accords de libre-échange avec l’Europe et les pays côtiers du Pacifique; il y a donc d’autres marchés à prendre en considération. « Ces marchés ne sont pas prioritaires, car il est plus facile de miser sur les États-Unis, mais c’est maintenant que nous devons examiner ces options. »

Trouver des occasions


Bien que les marchés boursiers aient réagi négativement à la nouvelle initiale des tarifs américains, « la situation aurait pu être un peu pire », a expliqué Brian Belski. Moins de deux jours de négociation après l’annonce du sursis de 30 jours, l’indice composé S&P/TSX avait pratiquement effacé ses pertes.


Selon M. Belski, ce serait un indice que les marchés ont peut-être réagi de façon excessive à l’annonce des tarifs. Il a souligné les actions des fabricants de composantes automobiles à titre d’exemple de la façon dont la volatilité des marchés peut présenter des occasions intéressantes à l’investisseur discipliné. Les actions du secteur avaient déjà réagi à l’approche des tarifs avant lundi, en baisse de 6 %. Elles ont ensuite chuté de 7 % lundi avant de rebondir pour effacer le recul. « Il y a eu une réaction excessive évidente du marché, et nous le savons, car les fabricants de composantes automobiles du Canada sont parmi les meilleurs au monde », a-t-il expliqué.


Ce type de repli présente des occasions à long terme, a-t-il dit, en ajoutant que les investisseurs doivent rester disciplinés dans les situations de volatilité. « C’est comme ce qu’on enseigne aux enfants à l’école en cas d’urgence : garder son calme, a-t-il dit. C’est ce que je conseille aux investisseurs. Ne réagissez pas, restez calmes et faites preuve de discipline. »


Vigueur du marché


BMO conserve sa cible de 28 500 points et un bénéfice de 1 600 $ pour le S&P/TSX et de 6 700 points et un bénéfice de 275 $ pour le S&P 500, a souligné M. Belski. Il continue de croire que le marché boursier américain est en pleine période haussière à long terme sur 25 ans, sans exclure un marché cyclique baissier occasionnel. Le Canada, a-t-il ajouté, « emboîte le pas » et offre une valeur et une cyclicité avantageuse par rapport aux États-Unis.


Malgré tout, a-t-il expliqué, la route s’annonce cahoteuse, mais l’instabilité présente des points d’entrée sur le marché, en particulier pour ceux qui achètent des actions d’entreprises solides. « Misez davantage sur les entreprises que sur le marché, conseille M. Belski. Intéressez-vous plutôt à la valeur implicite des actions plutôt qu’aux grandes tendances du marché. »

Devise


M. Gregory estime que l’incertitude à l’égard des tarifs pourrait continuer à peser sur la devise canadienne. En ce qui concerne les taux d’intérêt, Gregory prévoit que la Banque du Canada les abaissera probablement davantage pour soutenir l’économie, et qu’en cas de tarifs, elle devra les réduire encore plus. Les marchés prévoient que les taux de rendement canadiens demeureront bien inférieurs à ceux des États-Unis pendant un certain temps, surtout si les tarifs se concrétisent. « Dans le pire des scénarios avec les tarifs, nous verrions probablement ces écarts s’élargir, a-t-il dit, ce qui affaiblirait davantage le dollar canadien.


On espère le meilleur, mais il faut aussi se préparer au pire pour ne pas être pris au dépourvu, a expliqué M. Gregory. Oui, les États-Unis ont un déficit commercial avec le Canada, mais il s’agit principalement d’énergie, et ils ont un surplus commercial en biens manufacturés. C’est une relation qui fonctionne. »


Pour M. Belski, il s’agit de contrôler ce qu’on peut en faisant preuve de vigilance et de rigueur. « Ce n’est pas le moment de viser la lune. Il faut modérer ses transports, prendre du recul et contempler la mosaïque des marchés boursiers américains et canadiens. Par rapport à d’autres marchés, ceux-ci demeurent les plus fondamentalement sains, point à la ligne. »


VOIR VIDÉO! Tarifs douaniers entre les États-Unis et le Canada : impact sur l’économie


Camilla Sutton
Michael

Michael Gregory, CFA

Économiste en chef délégué et premier directeur général

Brian Belski

Brian Belski

Stratège en chef des investissements