Quelques jours à peine après que les États-Unis eussent imposé des tarifs douaniers généraux de 25 % sur 150 milliards de dollars américains de biens en provenance du Canada et des taux un peu moins élevés pour l’énergie, l’administration Trump a rapidement fait marche arrière sur bon nombre de ces mesures.
Les États-Unis ont d’abord offert un répit au secteur de l’automobile, pour ensuite, dès le lendemain, accepter de suspendre les tarifs douaniers jusqu’au 2 avril sur les biens canadiens et mexicains couverts par l’Accord Canada-États-Unis–Mexique (ACEUM). À la suite de l’annonce des États-Unis, le Canada a déclaré qu’il suspendrait le lancement de la deuxième phase de ses contre-tarifs, mais la première phase, qui touche 30 milliards de dollars américains de biens américains, demeure en place.
Les entreprises tentent de comprendre les tarifs douaniers et la façon dont elles peuvent se préparer en vue des répercussions potentielles sur leurs activités. Pour donner un aperçu de la conjoncture économique en évolution rapide, j’ai récemment animé un événement numérique avec les experts de BMO suivants : Shelly Kaushik, vice-présidente et économiste principale, Jason Giovannetti, directeur général et chef, Ventes, Opérations de change, Services bancaires aux grandes entreprises au Canada, et Swaroop Shenoi, vice-président, Commerce international.
Nos panélistes ont discuté de l’incidence potentielle des tarifs douaniers sur les économies canadienne et américaine et de la façon dont les entreprises peuvent compenser leurs risques. Voici un résumé de notre discussion.
Évaluer les répercussions économiques
L’accent mis sur les tarifs douaniers porte ombrage à ce qui, selon Shelly Kaushik, aurait été une bonne nouvelle pour le Canada. Les dernières données sur la croissance montrent une accélération de l’économie à un taux annualisé de 2,6 %, alors que les récentes réductions de taux de la Banque du Canada ont contribué à raffermir le marché de l’emploi. Toute performance positive est maintenant compromise.
« Les tarifs douaniers changent la donne, a-t-elle déclaré. L’incidence réelle sur l’économie canadienne dépendra d’un certain nombre de choses, y compris le moment où les exemptions seront mises en place et la durée exacte des mesures tarifaires. »
D’après la lecture initiale de la situation par l’équipe Études économiques de BMO, si les tarifs restent en vigueur pendant un an, le PIB canadien baissera à 0,5 %, plus bas que les 1,8 % projetés par BMO pour 2025. Une récession modérée pourrait en résulter, mais cela pourrait changer rapidement.
Comme l’a expliqué Mme Kaushik, l’incidence des tarifs douaniers et des contre-mesures connexes pourrait entraîner une hausse temporaire de l’inflation qui dure aussi longtemps que les tarifs douaniers ou donner aux entreprises une couverture pour hausser encore plus les prix, ce qui aurait une incidence plus importante et durable sur l’inflation.
Parallèlement, il y a un risque de ralentissement de la croissance, ce qui pourrait amener la Banque du Canada à réduire les taux, alors que la Réserve fédérale américaine subit moins de pressions pour les abaisser. Elle a déclaré que si les taux directeurs entre le Canada et les États-Unis continuent de diverger, cela pourrait faire baisser la valeur du huard.
Les importateurs ressentent vivement l’effet des taux de change
« La vigueur du dollar américain par rapport au dollar canadien frappe déjà durement les importateurs », a déclaré Jason Giovannetti. Depuis les élections aux États-Unis, le billet vert s’est apprécié de 5 %. Si les tarifs douaniers restent en place, il pourrait en coûter aux Canadiens 1,50 $ pour acheter un dollar américain, soit une hausse par rapport au montant de 1,43 $ actuel.
Lorsque l’on combine l’effet des tarifs douaniers de 25 % à l’appréciation du dollar américain, cela a un effet composé qui pourrait faire augmenter le coût des biens importés de 40 % à 45 %, a-t-il expliqué.
M. Giovannetti a indiqué avoir beaucoup de discussions sur la gestion des risques dans le cadre de la réflexion des entreprises quant à l’incidence des tarifs douaniers et du taux de change sur leurs marges bénéficiaires.
M. Giovannetti a déclaré qu’il pourrait être prudent, autant du point de vue des importateurs que des exportateurs, de mettre en place des politiques de gestion des risques de change si les devises ont une incidence majeure sur leurs activités. Une approche que certaines entreprises pourraient vouloir envisager est de fixer le taux de change.
Bien que l’achat de dollars américains à 1,43 $ ou 1,44 $ ne soit pas idéal d’un point de vue historique, il a déclaré que cela pourrait aider certaines entreprises à compenser leur risque de change. « Si vous avez peur que le taux de change passe à 1,50 $ ou si vous ne savez pas si votre entreprise résistera s’il passe à 1,60 $, ce n’est pas une mauvaise idée de fixer votre taux de change. »
Le milieu des affaires cherche des réponses
Compte tenu des risques liés à l’ampleur et à la nature générale des tarifs douaniers américains, de nombreuses entreprises révisent leurs plans d’affaires et élaborent des stratégies pour compenser le risque pour leurs activités.
Les entreprises canadiennes travaillent en collaboration avec leurs fournisseurs pour partager une partie des coûts plus élevés, a expliqué Swaroop Shenoi, cela se produit toutefois secteur par secteur. Parallèlement, certaines entreprises cherchent à diversifier leurs chaînes d’approvisionnement. M. Shenoi a déclaré que même si la diversification des chaînes d’approvisionnement ne date pas d’hier, l’urgence s’est accrue.
« La situation ne sera pas de courte durée, mais les clients ont commencé à nous en parler, a indiqué M. Shenoi. La bonne nouvelle est que les clients peuvent explorer différentes options lors des discussions avec leurs fournisseurs. »
M. Shenoi dit indiquer aux clients de profiter de l’occasion pour examiner leurs chaînes d’approvisionnement et de trouver des moyens d’accroître l’efficacité. Si vous intégrez de nouveaux clients, étendez vos activités dans de nouveaux territoires ou envisagez des relations avec de nouveaux fournisseurs, n’oubliez pas de discuter avec votre directeur, Gestion relationnelle pour comprendre si cela pourrait avoir des répercussions sur votre fonds de roulement. En plus des solutions de financement offertes par BMO, Exportation et développement Canada a également pris les devants pour offrir plus de programmes afin d’atténuer les répercussions que ces tarifs douaniers pourraient avoir. Les entreprises devront rester agiles et s’adapter à mesure que la situation évoluera. Comme l’a fait remarquer M. Shenoi, « il n’existe pas de guide ».
Perspectives
Il y a maintenant plusieurs dates à surveiller en ce qui a trait aux tarifs douaniers. Des droits de douane américains sur l’acier et l’aluminium, qui toucheront les producteurs canadiens, pourraient entrer en vigueur le 12 mars. L’autre date importante est le 2 avril, car il s’agit non seulement de la date à laquelle les droits de douane de 25 % imposés au Canada et au Mexique devraient revenir, mais aussi du moment où les États-Unis pourraient imposer des droits de douane réciproques. Notre carrefour Perspectives transfrontalières est là pour vous informer de ces dates importantes et de ce qu’il faut surveiller.
Il faut aussi porter attention à d’autres facteurs. Le Canada aura un nouveau premier ministre, le Parti libéral fédéral devant élire un nouveau chef le 9 mars. Nous surveillons également l’évolution des finances publiques aux États-Unis qui sont aux prises avec les retombées économiques des coupes faites par le Department of Government Efficiency (DOGE) et la possibilité d’une paralysie du gouvernement plus tard ce mois-ci. Shelly Kaushik l’a peut-être exprimé le mieux pendant notre conversation : « L’excitation ne manque pas en ce moment. »
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