Sécurité et stabilité : Composer avec les faillites bancaires

« Vous souvenez-vous de l’endroit où vous vous trouviez quand vous avez entendu parler pour la première fois des problèmes de liquidité qui ont entraîné l’effondrement de la Silicon Valley Bank? Qu’est-ce qui vous est passé par la tête à ce moment-là? Vous demandiez-vous si vous seriez en mesure de payer vos employés? Ou si votre banque régionale subirait le même sort? » Ted Dunn, chef, Secteurs, industries et financement structuré, Bank of the West, s’est posé ces questions. Ce fut une période stressante pour bien des propriétaires d’entreprise, chefs des finances et trésoriers. Aujourd’hui encore, il peut être difficile de comprendre la situation.
Peu après que la Réserve fédérale a annoncé qu’elle maintiendrait les taux d’intérêt stables, tout en laissant planer la possibilité de hausses futures et en affirmant que le système bancaire américain est solide et résilient, quatre experts de BMO, dont deux nouveaux collègues de Bank of the West, ont participé à une discussion de groupe qui tombait à point nommé pour aider les propriétaires d’entreprise à comprendre les répercussions économiques et financières des récentes faillites bancaires et à se préparer à ce qui les attend. Nos experts sont :
Ted Dunn, chef, Secteurs, industries et financement structuré, Bank of the West, modérateur
Scott Anderson, économiste en chef, Bank of the West
James Fotheringham, analyste, Services financiers américains, BMO Marchés des capitaux
Oscar Johnson, chef, Ventes, Services aux grandes entreprises, Solutions de trésorerie et de paiement, É.-U., BMO Entreprises
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*Ce balado est en anglais seulement.
Incidence sur les services bancaires
Comme M. Fotheringham l’a souligné, la crise de liquidité survenue plus tôt cette année s’est apparentée à une « folie de mars » propre au système bancaire (First Republic Bank et Signature Bank en ont aussi été les victimes). Depuis, toujours selon M. Fotheringham, le système bancaire américain est redevenu stable sur le plan financier, mais nous ne sommes pas encore sortis d’affaire. « Il n’y a aucun signe imminent de panique bancaire, mais nous croyons fermement que les banques, d’un point de vue fondamental, ne sont pas tirées d’affaire. »
Selon M. Fotheringham, trois risques fondamentaux demeurent : la liquidité (à court terme), le capital (à moyen terme) et le crédit (à long terme).
Il a déclaré qu’une crise de confiance et une contagion ont été à l’origine de la ruée sur plusieurs banques régionales et que le risque d’une nouvelle crise de liquidité subsiste. « La réponse réglementaire à cette crise de liquidité a été une série de décisions ponctuelles, a-t-il indiqué. Aucune approche systémique n’a été adoptée pour résoudre la crise des liquidités bancaires au printemps dernier. »
M. Fotheringham a ajouté qu’à moyen terme, les banques, quelle que soit leur taille, risquent d’être confrontées à des exigences plus élevées en matière de fonds propres. « Nous allions dans cette direction de toute façon. Je suis persuadé que nous entendrons parler de plus en plus de scénarios de crise auxquels les banques seront confrontées dans les années à venir en raison de ce que nous avons appris en mars. Personne n’a vu venir les faillites bancaires, y compris les organismes de réglementation. Ils sont donc impatients de modifier leur façon de traiter le capital de certains types de titres. Tout cela se traduira par des exigences plus élevées en matière de capital pour les banques, non seulement les petites banques régionales, mais aussi les très grandes banques. »
À plus long terme, les banques sont confrontées à un risque de crédit, surtout si la Fed va de l’avant avec les deux autres hausses d’un quart de point prévues plus tard cette année. « L’espoir d’une réduction des taux plus tard dans l’année s’est envolé, et il semble qu’elle [Fed] soit bien déterminée à réduire l’inflation, ce qui inspirera une sorte de cycle économique, a déclaré M. Fotheringham. Le risque de crédit des banques est extrêmement sensible aux cycles économiques. »
Répercussions économiques
M. Anderson a déclaré que l’économie américaine a jusqu’à présent évité de justesse le pire de la crise bancaire. L’économie a bien résisté, en grande partie grâce à la vigueur de la consommation des ménages et du marché de l’emploi. Mais il ajoute que nous nous préparons à l’éventualité d’une augmentation des pertes sur créances et des comptes en souffrance dans un contexte de ralentissement économique. De plus, certains indicateurs économiques clés, comme la hausse du nombre de demandes de prestations d’assurance-chômage et des taux de chômage, les indices de l’activité manufacturière et les indicateurs économiques avancés, pointent tous dans la direction d’une récession.
Il y a aussi la question de l’inversion de la courbe des rendements, où les obligations du Trésor américain à court terme affichent de meilleurs taux de rendement que les obligations du Trésor à long terme. Selon M. Anderson, la courbe des rendements est inversée depuis près d’un an et il est probable qu’elle le restera encore pendant au moins un an.
« Cela montre à quel point le marché obligataire croit que la politique monétaire est restrictive aujourd’hui, rapporte M. Anderson. L’écart entre les obligations du Trésor à 3 mois et à 10 ans s’est inversé depuis maintenant environ sept mois. Historiquement, c’est après 8 à 16 mois d’inversion de cet écart que l’on commence à observer une récession. Comme la Fed semble maintenir sa position ferme à l’égard des taux à court terme, je crois que le risque d’un atterrissage plus brutal pour les États-Unis existe bel et bien. »
Incidence sur les entreprises
M. Johnson est en contact permanent avec les chefs des finances et les trésoriers qui tentent de composer avec cette situation. La plus grande attention portée au risque de contrepartie par les entreprises est un thème qui ressort souvent de ses discussions depuis le début de la crise bancaire.
Comme le précise M. Johnson : « Ceux qui s’en sortent le mieux sont ceux qui sont le mieux préparés. » Il a ajouté que les sociétés qui gardent une longueur d’avance font preuve de diligence en matière de prévision de trésorerie, discutent activement avec leurs conseillers des stratégies de liquidité et comprennent l’importance de l’optimisation des paiements comme méthode pour débloquer des fonds de roulement de leurs bilans.
« Nos clients s’intéressent désormais de très près à la solidité de leurs partenaires bancaires et, au-delà de leurs résultats financiers, examinent leurs exigences réglementaires en matière de solvabilité, leurs ratios prêts-dépôts et la composition de leurs dépôts. Ils réfléchissent à l’incidence que cela a eu sur eux, et ils veulent aussi s’assurer que leurs partenaires bancaires sont solides et en bonne santé financière. »
Comme M. Fotheringham l’a souligné, certaines banques sont plus exposées à ces risques que d’autres. Les grandes banques et les institutions internationales, par exemple, ont un accès plus fiable au financement. Elles sont également soumises à des normes de liquidité plus strictes que les banques plus petites, de sorte que tout changement réglementaire à venir n’aura probablement qu’un impact minime. C’est pourquoi il est important que les chefs des finances et les trésoriers fassent leurs devoirs, à savoir déterminer si leur institution financière dispose d’une plateforme de financement solide, de ratios de capital élevés et d’un portefeuille de prêts diversifié.
« Nous ne savons pas encore à quoi le cycle économique ressemblera, mais celui-ci aura des effets disproportionnés sur les différents types d’actifs inscrits aux bilans, a déclaré M. Fotheringham. Les expositions concentrées peuvent mettre les banques en difficulté, mais le fait de disposer d’un portefeuille de prêts diversifié est extrêmement utile en cas de crise. »
Comment pouvez-vous vous préparer?
Aucun expert ne croit que nous sommes sortis d’affaire. Comme l’a mentionné M. Anderson, « La phase de panique s’est stabilisée, mais le patient est toujours à l’hôpital ».
Selon M. Fotheringham, seule une approche systématique pour s’attaquer aux problèmes rencontrés par la Silicon Valley Bank permettra de régler cette situation. « La solution doit être systémique avant que nous puissions donner le signal de fin d’alerte pour les liquidités bancaires. À court terme, nous ne sommes qu’à quelques manchettes d’une nouvelle crise de confiance en matière de liquidités. Espérons que les organismes de réglementation adopteront une vision plus systémique pour trouver une solution avant d’en arriver là. Ce qu’il faut obtenir, c’est l’intérêt du Congrès pour une solution à l’échelle du système qui prendrait la forme d’un cautionnement global pour les dépôts non assurés. À ce moment-là, nous pourrons donner le signal de fin d’alerte. Mais la volonté politique n’a pas été au rendez-vous jusqu’à présent. »
D’ici là, M. Johnson estime que les leaders des Marchés financiers des grandes entreprises auraient intérêt à suivre quelques principes de base, notamment assurer une gestion prudente de la trésorerie. « Cela signifie faire des prévisions de trésorerie, chercher des occasions de maximiser le rendement et planifier en vue des jours difficiles, comme les gens l’ont fait pendant la pandémie, a-t-il expliqué. Il faut aussi comprendre la santé et le patrimoine de votre banque. Interrogez vos partenaires bancaires et recherchez la sécurité. »
« J’encourage vivement [les entreprises et les dirigeants] à s’assurer d’être clairs et de comprendre les risques que présentent les institutions financières avec lesquelles ils font affaire, a suggéré M. Dunn. Cette discussion vise à s’assurer que nous sommes prêts : nous devons comprendre quelles sont les options, quels sont les enjeux, à quoi l’avenir pourrait ressembler et comment s’y préparer. »